BIOGRAPHIE

 

Diane Boily et Marie-Ève Munger

Texte de Christine Martel

lu à la présentation de Marie-Ève Munger

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 19 novembre 2021



Ah ! Du talent ! Qui ne pas rêve pas d’en avoir ? Si certains humains héritent d’un quelconque don artistique, d’autres sont littéralement surdoués. Marie-Eve Munger est la preuve vivante que la combinaison du hasard et d’un génie musical détermine parfois de grandes carrières. En y ajoutant le support familial, le charisme et, surtout, le travail acharné et la persévérance, la réussite pointe sérieusement à l’horizon. 


Native de Chicoutimi au début des années 1980, la petite Saguenéenne baigne dans la musique et fait preuve, dès sa prime enfance, d’une voix remarquable. Sa mère, Gisèle Munger, est chef de chœur et son père, Jean-Guy Gaudreault, possède une magnifique voix de ténor. Tout le monde pousse le refrain dans la famille. À l’âge de cinq ans, la fillette se cache dans les bancs de l’église, lors d’une répétition de Jeunesse en chœur, trop timide pour chanter avec les autres. À six ans, c’est pieds nus qu’elle aborde son premier vrai concert, car ses souliers lui font trop mal. À huit ans, elle échoue lors d’un concours d’amateurs, en entonnant sa chanson une tierce trop haut, mais l’expérience lui donne malgré tout la piqûre. La contreperformance est révélatrice et sans doute prémonitoire : la mélodie de Mille colombes, de Mireille Mathieu, est une copie du chœur de l’air Casta Diva, dans Norma de Bellini, ce qu’elle réalisera plus tard. C’est au travers des vicissitudes de la vie, et grâce à la bonne gestion de ses échecs futurs que sa recherche éperdue de liberté pourra dorénavant s’exprimer. 


Pour l’instant, la jeune prodige se produit déjà sur les planches avec un aplomb et une énergie hors du commun, et pourtant, elle veut devenir microbiologiste ou généticienne. En attendant, à 15 ans, elle aligne quand même six spectacles par semaine et se consacre corps et âme à la chanson populaire. Sa destinée la rattrape, et l’interprétation vocale s’impose naturellement. Elle s’inscrit donc au Collège d’Alma où il ne sert à rien d’essayer de la convaincre de se diriger vers les grands airs, ça ne l’intéresse pas du tout. La table est mise, on a affaire à une élève franche, déterminée à acquérir des outils pour poursuivre dans le style musical qu’elle privilégie, mais la nature profonde de son fabuleux destin l’attend au détour de quelques arias. 


Le programme collégial oblige l’apprenante à faire du chant classique, ce qui n’est vraiment pas son premier choix, et les deux années de découvertes constantes lui font progressivement prendre conscience de la richesse, de la beauté et de la puissance de l’opéra. Comme la religieuse du Suor Angelica de Puccini, qui produit le déclic inattendu, elle est saisie par une vision presque céleste et le désir profond de persévérer dans cette voie qui s’ouvre devant elle. Très à l’aise dans les aigus et les graves, la chanteuse se démarque des autres, et il est clair qu’elle est munie d’une intelligence vocale et d’un instrument hors du commun.


À 19 ans, Marie-Eve est admise à l'École de Musique Schulich de l'Université McGill, à Montréal, sous la direction de Thérèse Sévadjian et de Michael Meraw, où elle obtient sa maîtrise. En 2007, elle est vite repérée à Paris, puis à New York, et cumule concours, récitals et festivals. Et le tourbillon ne fait que débuter. Elle vole la vedette partout où elle passe, et sa personnalité attachante ainsi que son charisme indéniable participent à lui rendre accessible le vaste univers des grandes œuvres. Sa présence dans les productions auxquelles elle contribue et son rayonnement font souvent dire aux médias et aux spectateurs qu’elle vole la vedette : pourtant elle n’a jamais rien volé. Le public reconnaît et apprécie tout simplement son style et ses aptitudes, les personnages qu’elle incarne si bien et la tessiture de son exceptionnelle voix. Son sens poétique impressionne également de même que son aisance déconcertante qui lui colle désormais à la peau. 


La soprano colorature mène aujourd’hui une carrière florissante en Europe et en Amérique du Nord, et promène sa virtuosité sur les plus grandes scènes de la planète Opéra. Vedette du monde lyrique international, la jeune artiste au registre étonnant a certes été happée par la célébrité à un âge où d’autres se cherchent encore, mais, on le sait, aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années. Parmi ses succès récents, pour ne nommer que ceux-là, on compte sa participation avec le Lyric Opera of Chicago dans Cendrillon de Massenet, l’Opéra de Marseille dans My Fair Lady, l’Opéra de Montréal dans Roméo et Juliette, l’Orchestre de Munich pour L’Enfant et les Sortilèges et Lakmé, l’Opéra de Lausanne pour Zerbinetta, l’Opéra comique pour Le Pré aux Clercs, Fantasio et Bohème Notre Jeunesse, et des prestations remarquées à la Scala de Milan et au Festival d’Aix-en-Provence.


Mais le plus grand accomplissement et la plus grande joie de celle qui parcourt le monde sur les scènes les plus prestigieuses, c’est Georges, son fils de 4 ans. Le garçonnet aime voir sa maman en spectacle, mais déteste quand elle fait des vocalises dans la cuisine. Son conjoint, John La Bouchardière, metteur en scène à l’opéra et réalisateur de projets immersifs, complète le tableau familial et la soutient dans toutes ses réalisations. C’est le plus grand fan, doublé du plus sérieux critique, de cette virtuose de la vie, pour qui le théâtre, la danse et les arts en général, tout comme les neurosciences, rejoignent la liste des multiples passions. Pour l’heure, n’est-il pas plus charmante proposition que d’entendre la voix de cette diva du Saguenay que l’on qualifie, avec justesse, de prodigieuse. Écoutons-la ! 




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